top of page

Jean-Luc avait raison (Extrait)

1
 

C’est le début de soirée. Dans leur appartement Delphine et Alain attendent leurs invités. Ils sont assis à chaque extrémité du canapé. Delphine se fait les ongles. Alain se les ronge. 

 

Delphine : Et un cas de force majeure ?

Alain : Lequel ?

Delphine : Je suis morte.

Alain : On ne meurt pas comme ça.

Delphine : Mais si on meurt comme ça.

Alain : C’est trop tard. Ils seront là d’une minute à l’autre.

Delphine : Personne ne nous oblige à répondre. On peut éteindre, rester dans le noir, ne pas bouger…

Alain : Nous les avons invités.

Delphine : Tu les as invités.

Alain : Oui, je les ai invités.

Delphine : On peut leur dire qu’on s’est enfermé, sans faire exprès, et qu’on ne trouve plus les clefs…

Alain : Nous ne sommes pas des autruches. Ils viennent, ils viennent. C’est tout.

Delphine : Dis-leur que j’ai eu un accident.

Alain : Arrête !

Delphine : Alors dis-leur que ma mère a perdu sa chienne.

Alain : Ta mère a perdu sa chienne ?

On entend sonner l’interphone. Delphine et Alain se regardent, puis ils se dirigent vers l’interphone. Alain appuie sur un bouton.

Olivier (voix dans l’interphone) : Nous sommes à l’heure ? 

Delphine : Oui.

Olivier (voix dans l’interphone) : Vous ne devinerez jamais.

Alain : Quoi ?

Olivier (voix dans l’interphone) : Nous sommes venus à pied afin d’être à l’heure… 

Alain : A pied ?

Olivier (voix dans l’interphone) : En marchant…

Delphine : Mais vous habitez de l’autre côté de…

Olivier (voix dans l’interphone) : Je sais bien, mais c’est le seul moyen de transport où il n’y a aucune perte de temps. Plus besoin de chercher une place pour se garer. D’ailleurs, il n’y a jamais de places dans votre rue. Je me demande si les gens n’ont pas deux voitures, une qui reste immobile le long du trottoir et une autre pour se déplacer. Je suis sûr qu’il y a plus de voitures que de conducteurs dans cette foutue ville.

Alain : Ça reste à prouver. Moi, je n'ai pas de voiture…

Olivier (voix dans l’interphone) : Oui mais, toi, tu n’es pas un exemple. Tu es une exception. Tu es hors norme.

Alain : Hors norme ? 

Olivier (voix dans l’interphone) : On monte ?

Alain : Pardon. Je vous ouvre.

Alain appuie sur un autre bouton.

Olivier (voix dans l’interphone) : C’est quel étage déjà ?

Delphine : 7ème.

Alain : A droite de l’ascenseur.

Olivier (voix dans l’interphone) : A tout à l’heure.

Alain relâche le bouton de l’interphone.
Un temps.

Delphine : Ils sont venus à pied.

Alain : Oui, j’ai entendu.

Delphine : Tu les as invités… et ils sont venus à pied…

Alain : Ça n’a rien à voir. Ce n’est pas parce que je les ai invités qu’ils sont venus à pied, ils sont venus à pied parce que ce sont eux. Je n’avais rien précisé quant au moyen de transport.

Delphine : Alain…

Alain : Oui…

Delphine : Il n’est pas question qu’ils dorment ici. 

Alain : Mais non, pourquoi voudrais-tu qu’ils dorment ici ?

Delphine : Parce que ce sont eux.

 

...

bottom of page