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Tie-break (extrait)

James Bond

La semaine dernière, on m’a proposé de jouer James Bond.
J’ai refusé.
Je ne suis pas gadget, je ne suis pas gadget.
Ils m’ont appelé en pleine nuit. 
Des américains. 

Hello do you want to play James Bond ? 
What ? 
James bond, a spy for a movie. 
Un instant please. 

J’ai quand même réfléchit une minute, ce n’est pas toutes les nuits qu’on vous fait une proposition comme celle-là. 

No thank you, I am not gadget. 
Are you sure ? 
Yes, yes, I’m sure. 
I am not gadget, I am not gadget. 

Ils avaient l’air surpris. 
Je ne sais pas comment ils ont eu mon numéro. 

C’est bien les américains ça. 
Ils ne se soucient même pas du décalage horaire. 
Ils n’imaginent même pas un instant qu’ils vont vous réveiller. 
Je ne sais même pas s’ils savent qu’en France on dort pendant qu’ils travaillent. 

James Bond. 
Le vrai, hein ! 
Pas une contrefaçon. 
007 en personne. 
Mais bon, ça ne me disait rien d’avoir un stylo lance torpille. 
Je n’en vois pas vraiment l’utilité. 
Je veux bien que la plume soit acerbe, mais de là à tout faire exploser aux moindres gribouillages. 
Cette façon d’être pamphlétaire incendiaire à tout bout de champ ne me correspond pas. 
Je préfère que la pensée fasse son chemin et que ça décante gentiment… 
Je suis plus pour les bombes à retardement. 

Bien sûr, j’aurais pu me laisser séduire par la voiture. 
Une Aston Martin, c’est la classe. 
Surtout quand on a l’habitude de se déplacer en bus. 
Mais bon, devoir faire un créneau sous le regard médusé de quelques badauds égarés m’aurait angoissé. 
Surtout du côté gauche, j’ai du mal à me tourner du côté gauche. 
Ça la fout mal pour James Bond. 

 

« Dis donc, j’ai vu le nouveau James Bond… il s’est garé n’importe comment ! A trois mètres du trottoir, de travers, il vient d’avoir son permis ou quoi ? » 


Et puis, il n’y a pas un seul bouton anodin dans l’habitacle de cette voiture. 
Vous ne pouvez pas monter le chauffage sans déclencher tout un processus d’auto-défense très irritant pour les nerfs. 
Et si vous voulez gentiment baisser les vitres parce qu’il fait beau dehors… hop vous avez un blindage antichar qui vous tombe dessus et qui obstrue tout, alors que vous ne désiriez qu’humer un peu la douceur environnante et profiter du pépiement de quelques oiseaux égarés. 
Ça manque de discrétion tout ça. 
Et pour tout dire, de simplicité. 
Je ne suis pas gadget, je ne suis pas gadget. 
On ne se refait pas. 

 

Moi, j’aime me balader les mains dans les poches, sans me soucier de savoir si je suis suivi, sans avoir à semer deux chinois sanguinaires et joufflus, sans avoir à les corriger dans le hall d’un hôtel en leur faisant une clef au bras imparable avant de les assommer avec une plante verte. 
Non, ça doit être pénible à force. 
On a plus le droit à l’insouciance, et ça c’est pire que tout, la perte de l’insouciance. 
Déjà que sans être le plus grand agent secret du monde, on en perd tous les jours un peu plus de cette désinvolture délicieuse qui vous ferez presque penser que la vie est une partie de plaisir. 
Alors que finalement, ce n’est pas du tout le cas. 
Je n’allais pas en plus m’encombrer des soucis de James ! 

 

Je ne regrette pas mon choix. 
Bien sûr, faire un choix : c’est renoncer. 
Mais renoncer à quoi ? 
Aux cascades ? 
Je ne suis pas du tout cascade, mais alors la pas du tout. 
Ça ne me prive pas...

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